du cœur ouvert au corps fermé

Chirurgie robotique ou la révolution santé du futur

Publié le 02/03/2017

La révolution chirurgicale est en route depuis plusieurs années avec comme point de rupture l’avènement de la chirurgie laparoscopique. Nous sommes passés d’un modèle dominant emblématisé par la chirurgie à cœur ouvert à une chirurgie à corps fermé.

Prise de parole de D. Letourneau, président du directoire de la Fondation de l’Avenir – propos issus du site www.placedelasante.fr/

La Fondation de l’Avenir est contemporaine de cette chirurgie laparoscopique et a pu s’appuyer sur l’expertise des chirurgiens de la clinique mutualiste de la Porte de Choisy (devenue depuis l’Institut mutualiste Montsouris), pionniers en la matière. La Fondation est ainsi très bien placée pour regarder, accompagner voire interpeller le développement de la chirurgie robotisée qui représente une nouvelle étape de l’évolution chirurgicale.

Les premiers robots chirurgicaux étaient de simples robots industriels adaptés aux gestes et à l’environnement chirurgical. Dès 1985 un robot, le Puma 560, a été utilisé pour placer une aiguille pour une biopsie de cerveau en utilisant un scanner. Puis ce fut ensuite Scara, en 1986 pour la chirurgie orthopédique supplée par Robodoc pour la pose de prothèses de hanche. En 1988, le Probot, a été employé pour exécuter la chirurgie de la prostate et 9 ans après en 1997, une reconnexion de l’opération de trompes utérines a été effectuée avec succès à Cleveland en utilisant Zeus de Computer Motion.

« Aujourd’hui plus de 80 robots Da Vinci sont installées en France et 3000 dans le reste du monde. »

En mai 1998, le robot chirurgical Da Vinci a exécuté le premier pontage coronarien en Allemagne. Près de 20 après, il est la référence mondiale. Aujourd’hui plus de 80 robots Da Vinci sont installées en France et 3000 dans le reste du monde. L’ère de l’assistance robotisée est lancée. Le phantasme du robot qui opère tout seul rentre dans le champ du possible.

Ce développement technologique se heurte à plusieurs questions qu’il conviendra de résoudre pour que la chirurgie robotisée relève des pratiques courantes. En premier la robotique chirurgicale suppose une acceptation totale des patients sur la base d’une information loyale en regard de l’ensemble des techniques disponibles et sur les bénéfices-risques de ce choix chirurgical. Ceci nécessite d’avoir une bonne visibilité sur les cas de complications et leur origines : technologiques, organisationnelles ou humaines.

« Pour ceux qui ont privilégié la chirurgie ouverte, le gap sera beaucoup plus conséquent. »

C’est certainement sur ce dernier point qu’ils sont les plus importants. Il ne faut pas oublier que l’apprentissage du robot passe par une courbe assez longue. Celle-ci est dépendante de la pratique chirurgicale antérieure. Il est fort possible que cette courbe d’apprentissage soit moins importante pour ceux qui disposent d’une très bonne pratique de célio. Pour ceux qui ont privilégié la chirurgie ouverte, le gap sera beaucoup plus conséquent. Cette courbe d’apprentissage est absolument à prendre en compte tant au plan des habilités individuelles que du fonctionnement collectif et doit être clairement énoncée dans la recherche d’un consentement libre et éclairé du patient.

« Ce surcoût est aussi la conséquence de la position de monopole presque absolu exercé par l’américain Intuitive Surgical, le fabricant du Da Vinci. »

La chirurgie robotique est peut être efficace, ce qui n’est pas encore prouvé, mais elle n’est pas efficiente. Au-delà de l’investissement significatif, le surcoût d’une opération « robotisée » peut rapidement se chiffrer à plusieurs milliers d’euros compte tenu des frais de maintenance spécifique et des consommables dédiés. Ce surcoût est aussi la conséquence de la position de monopole presque absolu exercé par l’américain Intuitive Surgical, le fabricant du Da Vinci. Cette position dominante, qui a exclue la concurrence, lui permet de fixer ses conditions. Dès lors toute stratégie d’investissement au sein d’un hôpital ou d’une clinique en la matière suppose une véritable réflexion en amont de toutes les parties prenantes et un accord total entre les équipes médicales et les directions.

Bien entendu, l’émergence de nouveaux fabricants sur des projets moins massifs et avec des modèles économiques plus adaptés, favorisera la dissémination et déverrouillera le marché. Intuitive ne pourra pas refaire l’opération conduite en son temps et ayant débouché sur l’absorption de son principal concurrent, Computer Motion. Des nouveaux acteurs émergent d’origines diverses avec des propositions différenciées.

Dans le champ de la robotique médicale, la France dispose de belles pépites, mais qui à ce jour n’interviennent pas sur le terrain du Da Vinci et ne peux donc le concurrencer. Nous pouvons citer notamment Robocath, une start-up rouennaise qui développe des dispositifs robotisés pour traiter les pathologies cardiaques. Mais aussi Axilum Robotics une société strasbourgeoise fondée par une équipe composée d’enseignants-chercheurs, d’ingénieurs et médecins et qui a conçu un robot d’assistance à la stimulation magnétique transcranienne. Espérons qu’elles ne connaitront pas le sort de Medtech, reconnue mondialement pour son robot Rosa et finalement rachetée par l’américain Zimmer Biomet pour financer son développement.

« Des nouveaux acteurs émergent d’origines diverses avec des propositions différenciées. »

Même si la prudence doit l’emporter notamment par l’absence d’un recul suffisant, il est évident que la robotique est l’avenir de la chirurgie. L’enjeu passe bien sûr par la miniaturisation des robots, d’ores et déjà les perspectives opérationnelles des nano robots ne sont pas éloignées. C’est un phénomène général qui concerne tout le high-tech, auquel la chirurgie n’échappe pas. Néanmoins, il s’y rajoute un élément qui peut la rendre spécifique, c’est l’association de cette évolution technologique à celle concomitante des biothérapies.

Les robots chirurgicaux ne font qu’assister aujourd’hui, puis reproduire bientôt les gestes historiques du chirurgien : couper et ligaturer notamment en chirurgie viscérale. Certains sont déjà actifs même si cela reste encore sur un nombre limité d’activités, mais c’est un début. Les perspectives de la médecine régénérative, couplées au développement des nanos robots vont modifier l’essence même de l’acte chirurgical, à savoir la pratique médicale par l’usage des mains. Nos organisations de soins, nos systèmes de formation, nos modalités de prise en charge financière en santé ne sont absolument pas préparés à cette révolution inéluctable.

Dominique Letourneau
Président du directoire de la Fondation de l’Avenir


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