Regard médical

Mieux accompagner les patients grâce à l'impression 3D

Publié le 21/12/2017

Lors des Prix des chirugiens de l'Avenir organisés* par la Fondation en novembre 2017, Jean-Christophe Bernhard, lauréat en 2009, depuis devenu professeur des universités et praticien hospitalier en urologie au CHU de Bordeaux, est venu témoigner de son parcours. Nous l'avons par la suite rencontré pour en savoir plus sur ses travaux.

Quelles sont les innovations dont bénéficient les patients que vous suivez au sein du service d’urologie du CHU de Bordeaux ?

Depuis septembre 2016, les patients atteints de tumeurs rénales peuvent être opérés de façon mini-invasive, en ambulatoire – entrée le matin et retour au domicile le soir. Notre équipe a été la première à adapter la technique de néphrectomie partielle robotique à une prise en charge ambulatoire et à le rapporter dans la littérature scientifique. Depuis 2010, le CHU de Bordeaux a développé des projets pilotes visant à réduire les complications post-opératoires et les durées d’hospitalisation et de convalescence. Dans la majorité des cas, l’ablation partielle du rein a remplacé l’ablation totale, et l’assistance robotique que nous avons promue permet des interventions beaucoup moins invasives, avec des cicatrices plus petites. Il y a 5 ans, les patients opérés par voie ouverte étaient hospitalisés entre 7 et 10 jours, avec un passage en soins intensifs. Depuis septembre 2016, notre équipe a été reconnue « site pilote » pour la chirurgie ambulatoire du cancer du rein par l’INCa et la DGOS et 36 patients ont bénéficié de cette prise en charge innovante (projet Ambu-Rein).

Quels sont les bénéfices de l’impression 3D, innovation technologique que vous utilisez pour vos opérations ?

Depuis 2014, nous développons l’impression 3D pour préparer nos opérations et informer nos patients. Ce projet international est né d’une collaboration avec des équipes américaines et japonaises. Nous créons à partir des images radio de l’organe et de la tumeur une maquette en 3D qui aide le chirurgien dans la préparation de son intervention mais aussi le patient à mieux comprendre la pathologie et l’intervention qui lui est proposée. Le niveau de compréhension a ainsi été amélioré de 16 à 50 % selon les premiers éléments recueillis auprès des personnes opérées pour un cancer du rein et suivies au sein de notre service. Dans cet objectif, un protocole d’imagerie préopératoire spécifique a été développé avec le service de radiologie du CHU de Bordeaux. À partir de cette imagerie, nous créons une modélisation virtuelle du rein atteint. Elle est utilisée sous forme de cartographie comme aide à la navigation au cours de l’opération.

Vous avez été l’un des premiers lauréats des Prix des Chirurgiens de l’Avenir. Comment cette reconnaissance a-t-elle nourri votre parcours ?

Cette première distinction vient récompenser le travail d’une année de recherche qui représente un investissement personnel important. C’est à la fois la reconnaissance de choix individuels et d’un travail d’équipe. J’ai reçu le Prix des Chirurgiens de l’Avenir en 2009, ensuite j’ai réalisé ma thèse de sciences pendant quatre ans en parallèle de la fin de mon internat puis de mon clinicat. Devenu praticien hospitalier universitaire (PHU), j’ai soutenu ma thèse de sciences en décembre 2013 avant de partir pour une année de mobilité à l’étranger au sein d’une équipe de chirurgie urologique à Los Angeles aux États-Unis. Je suis rentré en France en janvier 2015 et j’ai poursuivi la mise en œuvre et le déploiement du réseau national sur le cancer du rein, baptisé UroCCR (Réseau Français de Recherche sur le Cancer du Rein), qui réunit chercheurs et cliniciens. Il existe un lien direct entre mon immersion en Master de Sciences chirurgicales au sein d’équipes de recherche et la volonté de structurer la recherche translationnelle sur le cancer du rein ; c’est l’un des objectifs d’UroCCR.

Pourquoi est-ce important de faire de la recherche lorsque l’on est chirurgien ou futur chirurgien ?

Je crois que cela permet d’apporter l’innovation au chevet du patient. C’est un état d’esprit tourné vers l’innovation qui nous a permis d’introduire dans notre service la chirurgie guidée par l’image, des techniques innovantes de chirurgie robotique ou encore l’impression 3D. C’est un état d’esprit qui permet de faire bénéficier le patient des nouvelles technologies. Les jeunes internes en chirurgie qui découvrent le parcours de recherche au sein du Master ont fait des choix qui ne sont pas nécessairement faciles dans le cadre d’un parcours de formation long. Mais cette année de recherche, qui interrompt momentanément l’internat, est une chance. En tant que chirurgien nous avons un rôle de pivot entre les soins et la recherche, nous sommes en première ligne pour récolter des échantillons biologiques et des données cliniques. Ce Master ouvre sur l’avenir, c’est une belle occasion de réfléchir à l’innovation, d’apprendre à réfléchir différemment et de nouer des collaborations futures. Faire de la recherche, c’est au final enrichir son potentiel clinique.

Quelles sont les pistes d’innovations médicales auxquelles vous travaillez pour les prochaines années ?

Dans le cadre du réseau UroCCR, nous menons aussi bien des projets de recherche sur l’autonomie du patient dans la prise en charge de sa maladie que sur des échantillons biologiques ou l’impression 3D. Étant centrés sur le parcours global du patient, nous sommes capables de monter des projets à toutes les étapes de ce parcours. Aidés par un étudiant du Master de Sciences chirurgicales, nous allons également mesurer auprès d’un plus grand nombre de patients l’impact de l’impression 3D sur la compréhension par le malade de l’intervention proposée (projet Rein-3D Print). Ce projet est mené en collaboration étroite avec l’IUT de Bordeaux et nous avons d’ailleurs inauguré en novembre dernier l’imprimante de dernière génération produite par le leader mondial de l’impression 3D. En disposer localement, sur le site de l’université, va nous permettre de maîtriser toute la chaîne de production et de travailler sur les caractéristiques mécaniques des matériaux. La prochaine étape serait de réussir à fabriquer des modèles souples pour le training chirurgical. Cette technologie représente l’avenir de l’enseignement et de la simulation chirurgicale. Comme un pilote simule son atterrissage à New-York ou Paris, demain, le chirurgien pourra certainement pratiquer la veille, l’intervention du lendemain.

* en partenariat avec les Universités Paris Sud, Paris Est-Créteil et Paris Descartes, avec le soutien de l’Académie Nationale de Chirurgie.