Regard médical

Avec la Fondation de l'Avenir, nous allons révolutionner la greffe de cornée

Publié le 07/02/2018

Professeur Philippe Gain est spécialiste de la greffe de cornée. Il a créé un laboratoire de recherche très original où se dessinent les avancées technologiques qui révolutionneront la vue et la vie des patients.

cornée

Lors du Congrès de la Fondation de l’Avenir, le professeur Philippe Gain, chirurgien ophtalmologiste au CHU de Saint-Etienne et vice-président du conseil Scientifique de la Fondation de l’Avenir, a présenté son expérience au travers de ses projets soutenus par la Fondation.

> Comment vous est venue l’idée de créer un laboratoire spécialisé sur la cornée  ?

Mon laboratoire, baptisé BiiGC, est spécialisé dans la cornée qu’il explore sous toutes ses facettes : Biologie, imagerie et ingénierie de la Greffe de Cornée. On greffe une cornée quand elle est trop opaque ou trop déformée pour avoir une vie professionnelle ou sociale normale. Dans le monde aujourd’hui, la pénurie de greffons limite leur disponibilité à seule une personne sur 74. C’est du constat de ce profond déséquilibre, de cette insuffisance mondiale – qui ne concerne certes pas la France ni les pays à hauts revenus -, qu’est née l’idée et l’envie de créer, avec mon adjoint le Pr Gilles Thuret, ce laboratoire. Il nous fallait créer une structure réactive très spécialisée afin de faire avancer vite la recherche et de participer à résorber ce déséquilibre. Et il fallait tout faire pour proposer aux patients non seulement plus de greffes, mais aussi des greffes de meilleure qualité.

> Qu’entendez-vous par des « greffes de meilleure qualité » ? En quoi vos travaux répondent-il aux exigences fixées ?

La greffe « fraîche » utilisée jusque dans les années 1990,  restait claire une vingtaine d’années après l’implantation avant de devenir opaque. C’était la meilleure des greffes sur le plan de la longévité, mais les exigences règlementaires en matière de sécurité microbiologique interdisent aujourd’hui cette technique qui ne permet pas de s’assurer dans des délais suffisamment courts que la cornée qui va être greffée n’est porteuse d’aucun micro-organisme pathologique.

Ainsi, les greffes actuelles sont conservées de façon passive dans un simple flacon de milieu nutritif, sorte de « bocal à cornichons » dans lequel les cellules cornéennes sont surveillées et testées avant la greffe, mais où elles s’abîment fatalement. La survie des greffons est ainsi devenue moindre qu’avant, de l’ordre de 10 ans, voire moins parfois… La question de la durée de vie du greffon est un vrai problème pour les patients. Aujourd’hui, ma première indication de greffe… c’est la regreffe ! Or ce n’est pas une intervention banale, moins on greffe une personne, mieux c’est, évidemment.

Grâce à nos recherches, nous avons mis au point un bioréacteur qui maintient par un jeu de pression et de circulation d’éléments nutritifs la cornée en vie, presque comme sur un donneur. Nous restituons pratiquement les conditions de la greffe fraîche d’autrefois et des greffons qui dureront ainsi entre 15 et 20 ans. Bien entendu, tous les contrôles de qualité seront possibles et seront même réalisables de manière encore plus approfondie que ceux d’aujourd’hui. Cette avancée majeure permettra ainsi aux patients d’éviter une ou plusieurs regreffes précoces en leur délivrant de meilleurs greffons.

> Quel a été le rôle de la Fondation de l’Avenir dans cette avancée majeure ?

Ce bioréacteur est une innovation mondiale pour laquelle nous avons déposé trois brevets internationaux. Nos travaux ont été largement soutenus dès le départ par la Fondation de l’Avenir. C’est grâce à la Fondation que nous avons pu initier cette belle réussite. Il nous reste à en faire un produit commercial, c’est à dire l’industrialiser et le généraliser pour le rendre accessible à tous. C’est une étape qui peut prendre deux ou trois ans avant une mise sur le marché. C’est pour cela que le bioréacteur a quitté tout récemment le laboratoire sous forme de spin off d’une grande entreprise dont j’ai la fierté de dire qu’elle est la meilleure au monde dans son domaine… et française.

> Que retenez-vous de cet investissement pour faire progresser la recherche  ?

Même si la recherche me passionne – surtout quand je trouve ! -, il me semble très important de ne jamais, au grand jamais, quitter son métier principal de chirurgien greffeur. C’est ce que j’explique à mes élèves scientifiques au labo comme mes internes en ophtalmologie au CHU. La recherche médicale n’est qu’un moyen mais pas une fin et elle doit aboutir au patient. Imaginez mon bonheur de greffer dans quelques années les premiers patients avec une belle cornée conservée en bioréacteur !

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